Raid du Centaure 2024 : retour sur l’édition en Catalogne avec interviews des vainqueurs !

Du 8 au 10 mars 2024, 47 cavaliers venus d’Allemagne, d’Espagne, de France, de Grande-Bretagne et des Pays-Bas ont concouru avec leur monture, en individuel, duo ou en équipe, le mythique Raid du Centaure.

Cette année, il était organisé par le club Olost Equestrian et la municipalité de Prats de Lluçanès en Espagne, sous l’égide de la FITE. Un vrai challenge pour organiser un Raid du Centaure 7 mois après l’édition 2023 en Alsace.

Le parcours de 100 kilomètres répartis sur deux nuits de 60 et 40 kilomètres, combiné à une météo digne d’un Raid du Centaure et d’un tracé pointu, a mis à rude épreuve les participants. « Les paysages sont typiques des pré-Pyrénées à une altitude d’environ 700 m. En Catalogne, nous souffrons d’une période de sécheresse de plusieurs mois consécutifs. Pour le Centaure, il a plu la première nuit et tout le deuxième jour ! Cela a rendu difficile l’accès aux points de contrôle et des variations de parcours dues aux crues des cours d’eau. Cependant, le niveau et la qualité des participants inscrits ont rendu le raid très professionnel et compétitif » explique Quim Luz, membre du Comité d’organisation.

Retrouvez les interviews de Amanti MULLER (vainqueur en individuel), Jean DE CHATILLON et Pierre FRONTY (vainqueur en duo) et de Francesc RABAT (deuxième en individuel), sur leur préparation, leurs ressentis, leurs anecdotes sur ce Raid du Centaure 2024.

Raid du Centaure : y participer

Amanti, c’est la première fois que vous participiez à cette épreuve. Nous connaissons vos performances en TREC, dont pour n’en citer qu’une la médaille d’or par équipe et de bronze en individuel aux Championnats du Monde de TREC 2022 : comment-vous est venue l’idée de vous lancer dans cette aventure ?

A.Muller : « Depuis que je fais du TREC, il y a beaucoup de personnes qui m’en parlaient. J’avais quelques réticences, notamment sur le côté physique de mon cheval et de moi-même. Cette année, le Centaure se déroulait non loin de chez moi et un éleveur de chevaux d’endurance m’a proposé un cheval apte à ce genre de challenge. C’était donc une opportunité pour y participer. »

Pour Jean de Châtillon, vainqueur du Raid du Centaure en duo avec Pierre Fronty, la situation était différente. Pierre Fronty, randonneur équestre, avait déjà participé au Centaure en tant que bénévole mais jamais en tant que cavalier. Jean De Châtillon, lui, est vainqueur de plusieurs éditions du Raid du Centaure.

Jean, cela fait plusieurs années que vous n’aviez pas participé en tant que cavalier au Centaure, vous étiez toujours dans l’ombre pour l’organisation : qu’est-ce qui vous a donné envie de retenter l’aventure à cheval ?

J.De Châtillon : « Pour plusieurs raisons : d’abord car l’édition de 2023 en Alsace était très sympa, ensuite inconsciemment je pense qu’à 64 ans je pensais être encore à peu près au point techniquement pour refaire une épreuve sans être ridicule. La dernière raison est que je suis dans un schéma sportif cette année qui comprend d’une part le Centaure et de l’autre l’Iron Horse Andalucia qui est une course d’endurance de 500 km en 7 jours au début du mois de mai. »
Pour Pierre Fronty, sa participation est avant tout un concours de circonstances et une histoire d’amitié avec Jean.

Pourquoi avoir décidé de participer en duo ?

J.De Châtillon : « J’ai dû gagner une douzaine de Centaure, la plupart en individuel et 4 en binôme (avec Luc Schaller, Amélie Van de Woestyne, Léon Lenz et celui-là avec Pierre Fronty) et à chaque fois j’y ai pris un plaisir différent et mon binôme a toujours été un artisan majeur de notre victoire. Les années passent, compter et mesurer toutes les nuits, seul, cela sollicite de façon un peu excessive à la fois l’attention et la vue donc à deux, on parle, on néglige parfois la précision mais on avance. »

P.Fronty : « Le fait d’être à deux ça facilite le travail. Cela permet d’échanger sur ses doutes, de se rassurer, de se reposer sur son partenaire. C’est moins rude que tout seul. »

Raid du Centaure : les chevaux et la préparation

Pouvez-vous nous en dire plus sur les chevaux que vous montiez ?

A.Muller : « J’ai participé au Raid du Centaure 2024 avec un cheval d’endurance qui a grandi dans les Pyrénées, c’est une valeur sûre. Les qualités physiques et mentales du cheval sont essentielles. Dès le départ, j’ai vu que je pouvais lui faire confiance. Lui il gérait le terrain moi la carte. Il gérait son allure en fonction du terrain tout seul. »

J.De Châtillon : « Nous montions avec Pierre deux juments d’endurance. Grisor et Belaia de Sommant que j’ai fait naître. Les deux juments s’entendent parfaitement. Elles préparent une épreuve de longue distance et sont préparées au quotidien pour des épreuves d’endurance. Il était surtout important qu’une fois que les chevaux travaillent bien ensemble, notre binôme Pierre et moi fonctionne bien ensemble pour pouvoir affronter cette épreuve. Pierre est un ami, nous avons bien fonctionné ensemble. »

P.Fronty : « Les juments que nous montions étaient entraînées pour faire de la randonnée, en très bon état de forme. Elles ont un fort mental et sont volontaires pour continuer, même sous des conditions météorologiques difficiles. »

Comment vous-êtes vous préparé à cette épreuve ?

F.Rabat :  « C’était ma cinquième participation au Raid du Centaure. Je me suis préparé autour de Barcelone. Je faisais des sorties régulières et du travail à pied avec mon cheval. »

A.Muller : « J’ai fait plusieurs sorties de nuit, en particulier pour tester le matériel technique et pour m’habituer à utiliser les outils d’orientation de nuit. J’ai aussi changé d’habitude en décalant mes horaires de sommeil quelques semaines avant le Centaure. »

P.Fronty : « Nous avons fait quelques sorties dont des sorties de nuit ensemble pour nous préparer. »

La préparation d’un POR pour des compétitions de TREC est-elle différente que pour le Centaure ?

J.De Châtillon : « Oui, c’est très différent. Le TREC c’est une compétition organisée, réglementée, avec une concurrence qui va jusqu’à s’étaler tout au long de l’année. Le Centaure c’est d’abord une aventure équestre qui ne fait appel qu’à la satisfaction sportive personnelle. Le règlement du Centaure et le fait que ce soit une seule épreuve par an permettent de mettre en place un projet, un rêve, avec des craintes et de le réussir.

Gagner un Centaure c’est d’abord le finir. Sur un Centaure la solidarité entre concurrents n’est pas un vain mot ou une vue de l’esprit, c’est une réalité. »

Quelles sont selon vous les compétences essentielles pour réussir un Raid du Centaure ?

J.De Châtillon : « Il faut tout d’abord avoir un niveau suffisant en orientation pour progresser sans solliciter son cheval d’une façon excessive. Il faut aussi savoir préparer son cheval à ce type d’efforts. La règle de base : avancer, avancer. Contrairement à ce que pensent beaucoup de cavaliers, il est beaucoup plus simple de s’orienter sur des « trains » un peu soutenus. Et puis avant de penser à gagner il faut gérer pour finir et ne pas se formaliser des quelques échecs et pénalités prises. »

P.Fronty : « Avoir du mental, être habitué à des sorties longues à cheval. Nous sommes restés presque 12h à cheval. Il faut être prêt physiquement. Avoir des chevaux volontaires, en bon état et un mental solide.
Le maître mot c’est de participer et de terminer. Terminer c’est gagné. »

F.Rabat : « Les cavaliers qui participent au Centaure sont ou devraient être des experts de la montagne. Les compétences en orientation dépendent de chacun mais pour participer il faut selon moi être coriace, un peu naïf, connaître la montagne et habile avec la boussole. Pour refaire un Centaure il faut être un peu fou. Dans une course aussi longue et difficile que le Centaure tout peut arriver, même si l’on est bien préparé. Il faut savoir gérer les frustrations. »

A.Muller : « Le matériel technique, la préparation physique. Un esprit au rendez-vous et être humble. Ce sont des compétences que l’on développe en TREC notamment. »

Raid du Centaure : le challenge

Quelles difficultés avez-vous rencontré sur le parcours ?

A.Muller : « Le parcours était quelques fois très technique. La première nuit nous avons marché sous des pluies diluviennes. Sur la deuxième nuit, le terrain était difficile avec de nombreuses zones techniques pour le cheval et un intense brouillard ne facilitant pas l’orientation et les repères. Il faut ajouter à cela la fatigue, il est difficile de rester concentré sur une aussi longue période, dans des conditions difficiles. J’ai appris à donner des périodes de repos au cerveau pour être prêt lorsque je rencontre des difficultés. C’est déjà un travail que l’on fait lorsqu’on est sur un POR classique de TREC et que l’on sort 7 à 8h. Sur le Centaure tout est décuplé. »

F.Rabat : « Mon cheval ne voit que d’un œil, donc lorsqu’il y a une étape difficile, il faut être très sûr de soi. Cette édition du Centaure n’a pas été la plus difficile, mais la pluie n’a pas rendu l’épreuve facile. »

P.Fronty : « Le principe du Centaure c’est l’accumulation des difficultés : terrain, météo, physique, fatigue. La première nuit nous sommes partis à une heure moins le quart et nous avons terminé à 10h du matin environ. Nous avons eu 5 à 6h de pluie battante, le terrain s’abîmait. Il n’y a pas une difficulté plus importante que l’autre, c’est l’accumulation de toutes ces difficultés qui font le Centaure et le challenge. Le tracé n’est pas simple, les points de contrôle sont toujours un peu compliqués. Et la fatigue. »

Raid du Centaure : pourquoi relever ce challenge 

Quels moments forts avez-vous vécus ?

A.Muller : « Les arrivées, sur les deux boucles on était des moments très forts, où j’étais heureux d’être arrivé. Aussi pendant le parcours, il y a eu des moments où je me suis retrouvé tout seul sur une crête, seul au monde. C’est quelque chose d’unique.
La satisfaction d’aller jusqu’au bout de l’épreuve est immense. C’est encore plus important que la victoire elle-même. Aller jusqu’au bout de soi, de ses limites, gérer la fatigue, la météo…C’est une épreuve hors-norme.»

A noter une anecdote de Qium Luz (organisatrice) : « Lors du contrôle de l’étape nº3 le premier soir, le premier cavalier qui est passé a été Amanti Muller avec beaucoup de calme. Le deuxième cavalier est passé après une heure. Amanti a contrôlé dès la première minute toute la course ».

J.De Châtillon : « Les moments forts ce sont ceux des rencontres avec les autres cavaliers surtout la deuxième nuit car la première nous sommes passés de la 22ème à la 2ème place et nous étions donc isolés très vite. La seconde nous avons évolué entre un binôme de cavalières forestières et Amanti, c’était cool et détendant et nos chevaux étaient plein d’énergie. »

P.Fronty : « Nous avons eu de superbes moments. Quand la pluie s’est arrêtée, avec de très beaux paysages, la lueur portée par le givre sur la végétation. Les fins d’étape et de parcours aussi sont des moments forts, par exemple lorsqu’on s’est aperçus que nous étions bien classés à la fin de la première nuit. L’euphorie du dernier trotting, quand on a vu qu’on était bien classé et devant.
Le Centaure c’est unique, inattendu, immanquable. Une histoire de partage.
Nous avons fait quelques bouts de chemins avec d’autres équipes et cavaliers. Il y a eu des moments de recherche d’itinéraires pas simples où l’on se retrouvait à plusieurs groupes en train de chercher le même itinéraire. C’est le partage de la difficulté du moment. »

Avez-vous pu partager des moments avec d’autres cavaliers ?

A.Muller : « Sur la première nuit j’étais tout seul, la deuxième nuit j’ai fait un bout de tronçons avec Jean De Châtillon et Pierre Fronty. C’était très intéressant de partager ce moment notamment avec une légende du Centaure et du TREC (Jean De Châtillon), de pouvoir voir comment il fonctionne. »

Si vous deviez ne citer qu’un souvenir de cette édition 2024 ?

F.Rabat : « Mon souvenir de cette année est la bonne organisation, c’était spectaculaire et le parcours était très beau. »

A.Muller: « A la fin de la deuxième nuit, entre 5 et 6h du matin, je venais de finir une portion très technique, où le brouillard était intense, je n’y voyais plus rien, j’étais seul. Réussir à surmonter ce moment et sortir de ce tronçon. Me retrouver sur la partie simple juste avant l’arrivée et me dire que je suis arrivée au bout. C’était une véritable satisfaction. »

P.Fronty : « L’esprit particulier du Centaure qui fait que les gens se rencontrent pour partager une expérience hors du commun. La mentalité particulière d’aventurier. Cela fait du bien de voir des personnes qui se regroupent pour participer à cette aventure. Je remercie l’organisation, avec des personnes volontaires et sympathiques. Aussi, la satisfaction d’avoir participé à cette aventure avec Jean et des chevaux merveilleux. »

J.De Châtillon : « Une descente en main dans une forêt dense et fortement pentue où nous avons trouvé le chemin sans problème entraînant de fait une grosse vingtaine de participants esseulés. »

Aux cavaliers randonneurs ou de TREC qui n’ont pas encore participé à cette épreuve, que diriez-vous ?

A.Muller : « Allez-y, ça vaut vraiment le coup. On en ressort plus fort mentalement et techniquement. On apprend à s’orienter de façon différente. Et la satisfaction de réussir à aller jusqu’au bout est tellement intense que ça vaut le coup. »

— Retrouver les résultats complets

Félicitations à tous les chevaux, cavaliers, bénévoles, organisateurs et partenaires (Mairie de Prats de Lluçanès, Olost Hípic Club, Consorci del Lluçanès, Catalan Equestrian Federation, Amac).

Merci à Amanti, Francesc, Jean, Pierre et Quim pour leurs réponses.

Rendez-vous en 2025

A noter dans vos agendas : le Raid du Centaure 2025 aura lieu à Gorre (87) en France (plus d’informations à venir).

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